1. Etiologie

Afin de mieux comprendre la philosophie du traitement parodontal, un bref rappel sur l’étiologie de la parodontite paraît opportun.

Par définition, la parodontite est une pathologie qui se caractérise par l’apparition d’une poche parodontale.
Comment cette poche se forme t’-elle ?

La nature infectieuse des maladies parodontales n’est plus à démontrer. Le biofilm bactérien est en effet le premier maillon de la chaîne. En s’installant dans le sillon dento-gingival, une réaction inflammatoire au niveau de la gencive marginale va s’ensuivre. Face à cette irritation persistante et chronique que représente cette invasion bactérienne, le système immunitaire est impuissant et, devant un tel acharnement, va littéralement retourner sa veste pour devenir une menace pour l’hôte lui-même.

En effet, c’est principalement l’infiltrat inflammatoire généré par l’exacerbation bactérienne qui sera responsable successivement de la destruction du collagène gingival, entraînant une migration apicale de l’attache épithéliale, et suivie ensuite d’une résorption osseuse d’origine inflammatoire, le tout aboutissant à la formation d’une poche parodontale.

La parodontite est donc une maladie infectieuse dans laquelle la réponse immunitaire de l’hôte joue un rôle clé dans le processus de destruction tissulaire.
Si les bactéries et leurs métabolites sont capables de détruire directement les tissus, ces mécanismes sont secondaires au regard des dysfonctions immunitaires majeures que vont induire les bactéries.

Mais ce déséquilibre de la balance hôte-parasite est-il inéluctable ? La présence de bactéries suffit-elle pour engendrer cette réaction immuno-destructrice ?
La réponse est non. Si la présence de bactéries est un élément déclenchant nécessaire, cette présence ne constitue pas un facteur suffisant pour induire une résorption osseuse chez tous les patients. Pour comprendre ces inégalités face à la maladie parodontale, il faut intégrer la notion de susceptibilité. Certains facteurs, communément appelés facteurs de risque, vont exposer davantage certains individus par rapport à d’autres.
Ces éléments interviennent soit sur le paramètre bactérien considéré comme le facteur étiologique majeur, soit sur la réponse de l’hôte.

Ils peuvent être répartis en 4 groupes :

  • le facteur bactérien,
  • les facteurs systémiques,
  • les facteurs locaux
  • et le facteur fonctionnel.

Il est prouvé que sur les 500 espèces bactériennes différentes que constituent l’écosystème buccal, un nombre limité d’espèces bactériennes est à l’origine du développement des parodontites (Socransky et al, 1992).
Autant qu’il existe une corrélation directe entre l’accumulation de la plaque dentaire et le développement d’une gingivite, le passage de la gingivite à la parodontite n’en est pourtant pas systématique.
Les patients qui négligent leur hygiène bucco-dentaire sont peut-être plus menacés par les maladies parodontales mais de manière non proportionnelle. Cependant, si la présence de bactéries virulentes est essentielle au déclenchement de la maladie, elle n’est pas suffisante pour l’initier à elle toute seule. L’absence de lésion parodontale chez des patients pourtant porteurs de germes paro-pathogènes, rend compte que la capacité ou non de l’hôte à juguler cette agression bactérienne joue un rôle tout aussi important (Kornman et al, 1997).

Un certain nombre de facteurs, liés à l’hôte cette fois, peut perturber les mécanismes de défenses immunitaires rendant ces patients plus susceptibles aux infections parodontales. Ces facteurs peuvent être innés, en d’autres termes inscrits dans le code génétique du patient, ou acquis et donc induire secondairement des conditions telles que le parodonte se présentera plus vulnérable aux agressions bactériennes.

Photo : Patient de 62 ans qui présente une gingivite chronique sans la moindre trace de parodontite malgré une hygiène nettement insuffisante.
Photo : Patient de 62 ans qui présente une gingivite chronique sans la moindre trace de parodontite malgré une hygiène nettement insuffisante.

Profil général :
Il s’agit des caractéristiques identitaires du patient (âge, sexe, race) qui ne peuvent donc être modifiées :
- L’ âge en soi n’est pas un facteur étiologique comme pourrait le penser le grand public, mais la dégradation tissulaire physiologique cumulée à la durée d’exposition aux facteurs étiologiques, fait de lui un facteur de risque majeur.
- Certaines populations ethniques sont plus exposées aux maladies parodontales et en particulier aux formes agressives (Albandar, 1997).

Particularités génétiques :
Une déficience génétique d’un composant cellulaire du système immunitaire peut augmenter le risque d’exposition à la parodontite :
- Les études sur les parodontites agressives ont révélé une anomalie presque systématique des polynucléaires neutrophiles (Page, 1985).
- Le phénotype hyper-inflammatoire est une autre particularité génétique très répandue.
Il définit une propension à provoquer une réaction inflammatoire exacerbée en répondant, face à une agression de la même intensité, par une surproduction de cytokines pro-inflammatoires (PGE2, Il 1, TNF), facteurs qui jouent un rôle majeur dans la destruction parodontale.
À côté des facteurs de risque systémiques non modifiables, il existe un grand nombre de facteurs modifiables qui influent plus ou moins sur l’apparition et l’évolution de la parodontite,
en fonction de leur ”importance” et de leur intensité.

À côté des facteurs de risque systémiques non modifiables, il existe un grand nombre de facteurs modifiables qui influent plus ou moins sur l'apparition et l'évolution de la parodontite, en fonction de leur "importance" et de leur intensité.

Maladies systémiques :
De nombreuses maladies peuvent perturber le métabolisme tissulaire ou le fonctionnement du système Immunitaire et rendre des sujets plus vulnérables aux agressions bactériennes parodontales.
Parmi celles-ci, le diabète prend une place particulière.
En Belgique, une personne sur vingt est concernée. Un chiffre qui connaîtra une croissance exponentielle au cours des prochaines années puisque l’on annonce un belge sur dix en 2020 en l’absence de mesure. Ces chiffres sont encore plus consternants quand on sait qu’une personne sur trois l’ignore. Pourquoi tous ces chiffres ? Parce que nous sommes en première ligne ! De nombreuses études montrent qu’un patient diabétique est plus susceptible de souffrir d’affections parodontales. De plus, le traitement des maladies parodontales est également plus difficile chez un patient dont le diabète est mal équilibré (Taylor G., 1998). Notre rôle est d’autant plus important que le lien entre la parodontite et le diabète serait réciproque. En effet, la parodontite affecterait le contrôle de la glycémie et exacerberait le diabète (Grossi S., 1998)

Le tabac :
Le tabac est reconnu comme un facteur de risque majeur dans le développement et la progression des maladies parodontales. Le mécanisme d’action du tabac est lié à ses nombreux composants nocifs, avec en particulier la nicotine.
Les mécanismes de défense vis-à-vis des bactéries sont altérés. La vascularisation de la gencive est réduite, les symptômes associés à l’inflammation sont très souvent masqués. Les patients fumeurs répondent moins favorablement aux traitements parodontaux (en particulier si la consommation de tabac est importante).
Le tabac est un élément que le praticien ne peut contrôler. Il doit en tenir compte dans l’établissement de son diagnostic, de son plan de traitement et de son pronostic. Le patient doit être informé des conséquences et du bénéfice de l’arrêt de consommation de tabac.

Les médicaments :
Les principales classes qui engendrent des perturbations du parodonte sont : La cyclosporine (immunosuppresseur), la phénytoine (anti-épileptique), la nifédipine (inhibiteurs calciques).
Un grand nombre de ces lésions seront des augmentations du volume gingival ou hyperplasie.
Toutes ces manifestation cliniques sont le fruit de l’action des médicaments sur le métabolisme cellulaire et (gras) de l’inflammation liée à la présence de plaque. Elles sont donc i,existante chez les édentés totaux.

Le stress :
Le stress en relation avec la maladie parodontale a un caractère chronique et n’est pas dû à un événement unique. Autrement dit, c’est plus l’incapacité à le surmonter que le stress lui-même qui jouerait un rôle dans la progression de la maladie parodontale (Croucher R. et al, 1997).
Le stress agit sur le parodonte soit par voie systémique en altérant les fonctions immunitaires (Breivik et al, 1996), soit de manière localisée. En effet, les patients anxieux développent régulièrement des parafonctions compensatoires (serrer des dents, bruxisme) afin de neutraliser leur stress. Celles-ci engendrent directement des conséquences sur le parodonte.

Tous les éléments qui facilitent l’accumulation de plaque et qui rendent son élimination par le nettoyage plus difficile, peuvent représenter une agression pour le parodonte qu’il n’est pas toujours prêt à recevoir.

Parmi ces facteurs de rétention, on compte :
Le tartre supra et sous gingival, les caries, les malpositions dentaires, les obturations défectueuses, les débordements d’obturation, les sur-contours, les entrées de furcations, les fissures et les traitements endodontiques défectueux. Chaque imperfection, aussi petite soit-elle, constitue une niche pour des bactéries.

Les facteurs iatrogènes, s’ils peuvent nuire au parodonte en favorisant l’adhésion bactérienne, peuvent également représenter une agression physique.
En effet, le rôle de la gencive est avant tout d’assurer un joint étanche pour l’os sous-jacent.
Ce joint est composé d’un épithélium jonctionnel et d’une attache conjonctive. Il est appelé : espace biologique.
Aucun matériau d’obturation n’est biocompatible et permettrait donc une adhésion tissulaire. Par conséquent, les limites des restaurations ne peuvent êtres réalisées dans cet espace biologique.
Une violation de celui-ci entraîne une rupture du système d’attache provoquant une inflammation gingivale chronique. La physiologie tissulaire souhaitera ensuite rétablir cet équilibre et reformera son joint sous l’obturation, provoquant ainsi la formation d’une poche parodontale (d’origine iatrogène) qui risque d’être colonisée secondairement par des bactéries.

Le traumatisme occlusal, désigne les charges excessives susceptibles d’affecter le parodonte, qu’elles soient d’origine fonctionnelles (prématurité, interférence, malocclusion, nombre réduit de dents), parafonctionnelles (bruxisme, pulsion linguale,…) ou iatrogènes (traitement orthodontique, prothèse amovible).
Néanmoins, le traumatisme occlusal n’induit pas de lésion parodontale à lui seul. Il s’agit seulement d’un facteur aggravant. Par conséquent, dans un contexte de parodontite, le trauma occlusal ne fait qu’augmenter la perte osseuse et accélère l’approfondissement des poches parodontales préexistantes (Ericsson I. et al, 1982).